À Sciences Po. et dans les Instituts d’Etudes Politiques (IEP) en région, l’onde de choc autour des violences sexuelles se propage après une accusation d’inceste à la présidence de la grande école parisienne. Les témoignages essaiment sur les réseaux sociaux alors qu’il apparaît que toute une nébuleuse politico-académique était au courant des agissements d’Oliver Duhamel, président de l’institution. C’est aujourd’hui toute une « élite » qui est remise en question.
Retour sur une polémique
Tout a commencé avec la publication, en janvier dernier, d’un livre de Camille Kouchner « La Familia grande ». La juriste y accuse son beau-père, Olivier Duhamel, par ailleurs président de Sciences Po., d’inceste sur son frère. Cette parution, qui se place rapidement en tête des ventes, fait l’effet d’une bombe à l’IEP de Paris, grande école spécialisée dans les études politiques.
Le sujet devient rapidement un débat de société : comment accueillir la parole des victimes ? Faut-il instaurer un âge du consentement ? Quid de la prescription ? Mais surtout comment mettre fin au tabou.
Ce tabou, on l’a vu avec le hashtag #MeTooInceste sur les réseaux sociaux, il touche toutes les franges de la société. Mais les regards sont braqués vers une institution, Sciences Po., là où l’affaire a commencé.
Et pour cause, dès la publication de l’ouvrage, Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la Culture et enseignante à Sciences Po., réagit et dit être au courant de ces accusations depuis deux ans. Dans le même temps, Frédéric Mion, directeur de l’école, fait part dans un communiqué de sa « stupeur » face aux accusations qui visent Olivier Duhamel. Mais le lendemain, coup de théâtre, ce dernier avoue avoir été mis au courant par l’ancienne ministre. Il est dès lors montré du doigt pour n’avoir rien fait.
Plus d’un mois après, le 9 février, face à la pression de la communauté étudiante de Sciences Po. et au malaise grandissant après ses mensonges, il démissionne.
Élites, le culte du secret ?
Se pose alors la question du culte du secret, de « ceux qui savaient mais n’ont rien dit ». Beaucoup montrent du doigt ceux qu’on appelle communément les « élites », sociales, politiques, médiatiques, et académiques, passés pour beaucoup sur les bancs de Sciences Po. On les accuse d’un « entre-soi » qui favoriserait l’omerta.
Le think tank « Le Siècle » en serait la parfaite incarnation. Présidé pendant plus d’un an par Olivier Duhamel, ce club parisien réunit des membres du gouvernement, des patrons du CAC 40, ou encore des journalistes et autres intellectuels. De gauche comme de droite. L’objectif de ce cercle, fondé à la Libération en 1944, est de faire se rencontrer des sphères de différents horizons lors de dîners. Emmanuel Macron y a par exemple déjà participé. Aujourd’hui, le Siècle est dans la tourmente pour avoir abrité des membres « qui savaient mais n’ont rien dit ».
Violences sexuelles, le vertige
Dans le sillage du mouvement #MeToo en 2017, qui a mis la lumière sur les violences sexuelles et sexistes faites aux femmes, ce sont aujourd’hui les faits d’inceste qui sont au centre du débat public.
A partir de l’onde de choc provoquée par le livre de Camille Kouchner, les témoignages ont afflué sur les réseaux sociaux, faisant état des agissements d’un père, d’un oncle ou encore d’un frère. Beaucoup d’entre eux font aussi état de la « loi du silence » qui règne autour de ces tabous familiaux.
Des scandales qui ont éclaboussé jusqu’à la présidence du Centre National du Cinéma (CNC), Dominique Boutonnat ayant été mis en examen pour « agression sexuelle » et « tentative de viol » sur son filleul.
Avec #SciencesPorcs, la parole se libère à Sciences Po. et dans les IEP
Cette loi du silence, des étudiantes des différents IEP de France tentent justement d’y mettre fin. Autour du mot-dièse #SciencesPorcs, lancé sur les réseaux (surtout Twitter) à l’initiative d’Anna Toumazoff, ancienne étudiante de Sciences Po Toulouse, ce sont des centaines de messages qui dénonces les violences sexuelles dans ces grandes écoles.
Beaucoup évoquent sans détour un viol, et certains évoquent des administrations « complices » qui couvriraient ces actes.
Une constante dans ces messages : il existerait, à Sciences Po, un sexisme systémique voire une culture du viol, qui trouverait son apogée lors des week-end d’intégration, et qui serait légitimée, selon ces étudiants, par une impunité.
Aucun fait avéré ne doit être impuni, Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur
A l’IEP d’Aix en Provence, on cherche à se dissocier de ces accusations d’institutionnalisation de la violence sexuelle. Dans un communiqué publié mercredi, l’école affirme apporter tout son soutien aux victimes et assure qu’ « une réflexion est engagée » sur le recueil de la parole.
De son côté, Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur rappelle qu’ « aucun fait avéré ne doit être impuni », même si pour elle, « les établissements prennent leur part ». Elle propose ainsi d’ « aider les IEP à accompagner les victimes pour qu’elles aillent porter plainte ».
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